Épisode 2 — Les bases de la périodisation nutritionnelle

Adapter l’alimentation à l’entraînement : un levier parfois sous-estimé d’efficacité.

Pour un sportif qui s’entraîne régulièrement, les besoins métaboliques varient selon la charge d’entraînement. Manger de la même manière chaque jour, sans tenir compte du type ou du volume de la séance, n’a pas vraiment de sens physiologique.

Périodiser sa nutrition, c’est synchroniser l’apport énergétique et nutritionnel avec la demande imposée à l’organisme. C’est un concept solidement établi de puis de nombreuses années maintenant dans la littérature scientifique, et ce, quel que soit le niveau de pratique.

Pourquoi ce n’est pas simplement anecdotique

L’organisme ajuste ses réponses biologiques en fonction du stress métabolique.

Si l’alimentation ne correspond pas à ce stress :

  • l’adaptation peut être compromise,

  • la récupération ralentie,

  • la progression freinée.

En une phrase, « on s’entraîne dur mais on ne progresse pas ». C’est tout l’enjeu du concept de “Fuel for the work required”, formalisé par Louise Burke : adapter les apports (notamment glucidiques) à la charge et à l’objectif de la séance, plutôt que suivre une logique calorique rigide et restrictive au jour le jour.



Dans cette logique de périodisation, vous avez peut-être entendu parler de certaines stratégies comme “train low, compete high” (que j’ai déjà évoqué ici au travers de l’analyse d’une séance longue en endurance fondamentale en situation de faible disponibilité glycogénique) ont été développées pour favoriser des adaptations spécifiques. L’idée : s’entraîner parfois en état de disponibilité glucidique réduite (à jeun, en double séance, ou avec restriction ciblée), afin de stimuler certaines voies métaboliques (augmentation de l’oxydation lipidique, biogenèse mitochondriale), tout en maximisant les performances en compétition avec des réserves pleines.

Mais attention, cette stratégie qui est une option intéressante fera l’objet d’un autre épisode.

Trois variables à moduler et équilibrer

1. Apport énergétique total (TDEE)

L’équilibre entre dépense et apport est la clef.

Une journée à 2 h de fractionné n’implique pas les mêmes besoins qu’un jour off ou un simple footing de récupération. Il est important de noter que l’équilibre se joue dans le cumul quotidien, pas sur un repas unique. Les jours où la dépense énergétique est grande, on mange plus, les jours où elle est moindre on mange moins. Ça peut paraître évident mais c’est très important.

2. Apport en pré et post-effort : gestion fine des macronutriments au service de la performance et de la récupération

La périodisation nutritionnelle ne se joue pas que sur les quantités, mais aussi sur la qualité et le moment d’apport des macronutriments autour de l’effort. Chaque famille de nutriments joue un rôle spécifique selon les phases d’entraînement, et leur modulation impacte la performance, la récupération et l’adaptation musculaire.

A. Les glucides

Ils restent la principale source d’énergie pour les efforts intenses et prolongés et le macro nutriment le plus important à périodiser pour les sports d’endurance. Il est important de distinguer :

  • Les glucides à index glycémique (IG) élevé (sucres rapides) : montée rapide de la glycémie, utiles en pré-entraînement ou pendant l’effort.

  • Les glucides à IG bas (sucres lents) : libération plus progressive, adaptés aux repas d’avant-effort ou en récupération.

Des apports en glucides bien calibrés (en quantité et en qualité) optimisent les réserves musculaires de glycogène et préviennent les baisses de performance. (On approfondira l’index glycémique dans un prochain épisode.)

B. Les protéines

Indispensables à la réparation et à la synthèse des fibres musculaires, les protéines doivent être apportées en quantité suffisante, avec une répartition régulière sur la journée. C’est le macro nutriments clefs pour les pratiquants de musculation. On distingue souvent les protéines animales (viande, poisson, œufs, produits laitiers) qui sont riches en acides aminés essentiels et en leucineet qui stimulent fortement la synthèse protéique et les protéines végétales (légumineuses, céréales, noix) qui, bien combinées, fournissent aussi les acides aminés essentiels nécessaires à la récupération et à la croissance musculaire.

Le besoin en protéines, tout comme le moment de leur apport, varie en fonction de l’intensité et de la nature du stress imposé au muscle. Plus la séance est exigeante (charges lourdes, grand volume, travail excentrique important ou forte intensité cardiorespiratoire), plus la phase de récupération devient stratégique pour enclencher les mécanismes de réparation et d’adaptation. Mais l’apport en protéines ne suffit pas à lui seul : la synthèse musculaire nécessite une disponibilité énergétique suffisante. En d'autres termes, si les calories manquent, même une bonne dose de protéines sera sous-utilisée. Ce sont donc les conditions globales de l’apport nutritif (qualité et quantité des protéines, timing, et niveau d’énergie disponible) qui vont conditionner l’efficacité de la récupération. Après un effort musculairement intense, cette fenêtre post-séance mérite d’être soignée par un apport rapide pour maximiser les gains et/ou limiter la dégradation. On a longtemps pensé que cette fenêtre post exercice était très courte et nécessitait une prise rapide de protéine afin de favoriser la construction musculaire : on l’appelait fenêtre anabolique. Les études plus récentes ont montré que cette fenêtre était plus large que prévue et que la prise de protéine dans les 24 h post exercice était bénéfique. Donc, pour toutes les journées d’entraînement ou le volume est conséquent, un apport régulier de 20 à 30 g de protéines toutes les 3 ou 4 h s’avére utile pour soutenir la synthèse musculaire. Lorsque la mobilisation des fibres de type II est importante, un apport rapide après la fin de l’exercice reste tout de même conseillé.

C. Les lipides

Pendant et juste après l’effort, la circulation sanguine est prioritairement dirigée vers les muscles et la peau (pour refroidir). Le système digestif est donc un peu « mise en pause », ce qui peut rendre la digestion plus lente ou inconfortable. Les lipides sont plus longs à digérer que les glucides ou protéines. Des apports lipidiques excessifs juste après l’effort peuvent ralentir la vidange gastrique, générer des troubles digestifs (ballonnements, lourdeurs), et potentiellement gêner la récupération.

Toujours est-il que ce sont des alliés souvent sous-estimés, qui, s’ils sont moins sollicités dans la récupération immédiate, jouent un rôle fondamental dans la production d’énergie lors d’efforts modérés, la synthèse hormonale et le fonctionnement du système nerveux. Ils restent donc indispensable dans une alimentation variée et équilibrée. Mais tous les lipides ne se valent pas.

On distingue souvent les graisses saturées et insaturées. Si cette classification peut servir de repère de base, elle ne reflète pas toute la complexité des effets des lipides sur l’organisme. Les effets des graisses saturées dépendent de leur origine et du contexte alimentaire global. Les sources non transformées (œufs, produits laitiers,...) sont généralement mieux tolérées et un excès d’acides gras insaturés, comme les oméga-6, peuvent avoir des effets délétères s’ils ne sont pas contrebalancés par un apport suffisant en oméga-3. Ces derniers, que l’on trouve notamment dans les poissons gras, les graines de lin ou les noix, sont reconnus pour leur action anti-inflammatoire bénéfique. En matière de gras comme d’alimentation tout est toujours affaire d’équilibre. Conclusion : si dans le cochon tout est bon c’est mieux de l’associer avec des sardines et pas directement en post-effort.



3. Disponibilité glucidique

Au risque de me répéter, j’insiste, le glycogène est le principal carburant des efforts soutenus.
Mais il peut être intéressant de moduler les apports glucidiques selon l’objectif de la séance afin d’orienter les signaux cellulaires et d’optimiser les adaptations physiologiques voulues pendant la séance. Pour faire très court, les séances en glycogène bas permettent de faciliter la biogenèse mitochondriale. Les séances en glycogène élevé permettent d’optimiser le rendement de la séance, de développer une puissance plus grande, de mieux résister à la fatigue de l’exercice et d’(avoir un ressenti d’efforts plus faible qu’en glycogène bas (indispensable lorsqu’on travaille sur l’économie de course ou les intensités élevées)



Périodisation nutritionnelle et gestion du poids

Il n’y a pas de miracle, pour celles et ceux pour qui la motivation passe par la balance, comme nous l’avons vu dans l’épisode, seul une balance énergétique légèrement négative permet de perdre du poids. Il est tout de même très important de souligner qu’il est plus simple et bénéfique pour le corps de faire en sorte que cette balance négative le soit sur les jours d’entrainements peu intenses. Un corps insuffisamment rassasié suite à un entraînement ayant engendré un fort stress métabolique va réclamer sont du et plus encore à plus ou moins court terme, le soir même, le lendemain ou dans les jours qui suivent. Manger correctement les jours d’entraînement permet donc de limiter les fringales incontrôlables. Le stress métabolique mal compensé (sous-alimentation chronique) peut perturber le sommeil, la récupération, voire le comportement alimentaire (voir syndrôme red-s).

Il est également important de souligner que le glycogène et son eau associée (le stockage d’1g de glycogène nécessite 3 g d’eau) influent sur la capacité à soutenir l’intensité mais aussi sur le poids à court terme : une déplétion importante des réserves (après une sortie longue par exemple) peut se traduire par une baisse rapide du poids sur la balance, et l’inverse après rechargement. C’est normal, transitoire, et ça ne reflète ni une perte de gras ni une prise de muscle. Donc pas de panique si la balance bouge d’un jour à l’autre, surtout dans des phases de charge ou de récupération. Inutile de se peser tous les jours et lorsqu’on monte sur la balance il faut garder à l’esprit que le contexte de la pesée peut avoir une influence sur le résultat. On dédramatise donc les infos brutes de la mesure du poids !



Applications concrètes : adapter les apports à chaque type de journée

Type de journée

Stratégie alimentaire

Jour off / repos actif

Apports énergétiques réduits, glucides en baisse, protéines stables, lipides modérés

Footing léger < 1 h

Similaire au jour de repos, légère hausse des glucides si besoin

Séance tempo / seuil

Glucides avant et après l’effort ; éventuellement glucides rapides pendant (≈20–30 g)

Sortie longue / fractionné

Glucides en pré-séance (1–4 g/kg), intra-séance si > 90 min (toutes les 30/45 min), récupération renforcée : glucides + protéines

Musculation / renforcement

Glucides en pré-effort, protéines en post-séance (20–30 g)



À noter

Je ne suis pas nutritionniste. Ce contenu vise à vulgariser les bases de la physiologie de l’effort et à éclairer certaines logiques de terrain validées par la littérature scientifique. Pour une approche individualisée, adaptée à vos contraintes personnelles (santé, pathologies, objectifs spécifiques…), consultez un ou une professionnel de la nutrition du sport.

Un dernier conseil ?

Pas besoin de tout révolutionner. De petits ajustements cohérents, bien intégrés, auront toujours plus d’impact qu’un grand bouleversement difficile à tenir. On mange d’abord plus les jours où l’on s’entraîne dur (la notion de difficulté étant propre à chaque individu évidemment), puis on est vigilant sur les glucides puis les protéines,…. Tout en gardant un léger déficit calorique pour celles et ceux qui souhaitent perdre un peu de poids.
La régularité, l’écoute du corps et la progressivité restent les piliers de toute démarche efficace et durable.

Pour résumer



  • Manger en fonction de son activité physique permet d’optimiser les réponses adaptatives de l’organisme, permet de mieux gérer ses apports caloriques, de mieux récupérer et de s’entraîner plus et mieux

  • Le même entraînement ne déclenche pas les mêmes adaptations selon que le muscle est « plein » ou « vide ».
    -Moins de glucides permet une meilleure biogenèse mitochondriale et une meilleure efficacité métabolique
    -Plus de glucides permet une meilleure performance immédiate et un travail plus efficient



La périodisation nutritionnelle n’est pas réservée à l’élite et il est toujours utile de réfléchir à son alimentation afin de ne pas gâcher de dures séances d’entraînement par une approche nutritionnelle mal conçue. C’est un outil de cohérence entre l’intention d’un entraînement et la réponse du corps. Il ne faut pas non plus oublier les notions de plaisir et de convivialités en s’enfermant dans des schémas trop stricts, comme pour l’entraînement tout est question de dosage. Mais quand on sait on prend plus facilement les bonnes décisions



Episode 3 à venir  : Une journée "entraînement léger" : comment construire ses repas ?

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