Épisode 4 — Journée intense : ce qu’il faut manger avant, pendant, après l’entrainment
Les journées d’entraînement intense sont évidemment déterminantes dans la construction d’un métabolisme plus efficace. Mais si l’impact de ces journées dépend évidemment de la qualité des séances réalisées, il dépend aussi largement du contexte nutritionnel dans lequel elles s’insèrent. À ce niveau de sollicitation, la cohérence entre apport et demande énergétique n’est plus vraiment une simple option : il est indispensable de soutenir efficacement la production d’énergie par des apports nutritifs pertinents. Il ne s’agit pas simplement de “manger plus”, mais d’optimiser : en préparant l’effort, en le soutenant donc puis finalement en le réparant le corps. Ce qu’on mange avant, pendant et après une séance intense n’est donc pas anecdotique : c’est ce qui permet de tenir la charge d’entraînement, notamment intense, d’éviter une dégradation excessive du tissu musculaire (catabolisme protéique), de limiter une mobilisation accrue des acides aminés pour les fonctions énergétiques ou immunitaires, au détriment de la réparation tissulaire.
Il n’y a rien de fondamentalement nouveau dans ce que j’explique et pourtant, noyé dans le flot d’informations de la toile et des réseaux sociaux, on se perd aisément. La périodisation nutritionnelle n’est pas une révolution. C’est un travail de l’ombre qui n’apparaitra pas sur les segments strava, ni en photo sur insta. C’est un travail patient de longue haleine, qui va permettre de fabriquer jour après jour un métabolisme plus robuste et plus efficient.
Avant la séance:
Il va être important de préparer son corps à disposer rapidement et efficacement de l’énergie nécessaire au moment de l’effort.
Cela implique plusieurs choses :
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Avoir des réserves énergétiques mobilisables, notamment sous forme de glycogène (dans les muscles et le foie), ainsi qu’un apport alimentaire qui ne gêne pas la digestion.
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Éviter les perturbations métaboliques notamment hormonales (comme un pic d’insuline trop important avant l’effort, une mauvaise gestion du cortisol en post effort) qui pourraient conduire à une hypoglycémie réactionnelle ou une sensation de coup de fatigue.
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Maintenir un apport progressif et contrôlé en nutriments pour que le glucose sanguin soit stable et disponible pendant l’effort.
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Optimiser la digestion et l’assimilation pour que les nutriments soient prêts à être utilisés sans inconfort ni ralentissement digestif.
En résumé, c’est préparer un terrain où le corps peut puiser dans l’énergie rapidement disponible sans à-coups, tout en évitant les facteurs qui ralentiraient ou bloqueraient les apports.
Dans les heures qui précèdent l’effort, l’objectif est triple : disponibilité des glucides, stabilité de la glycémie, tolérance digestive.. L’idée n’est pas de faire le plein en prévision d’un manque, mais d’apporter le « bon carburant » au bon moment, sans perturber la réponse hormonale (si vous vous souvenez des épisodes précédents, leptine, ghreline, insuline, cortisol...) ou la motricité digestive : en effet, lors des efforts intenses les intestins sont déjà mis à rude épreuve ! (un article de vulgarisation intéressant et assez complet sur la digestion pendant l’effort : https://www.nationalgeographic.fr/sciences/exercice-physique-peut-favoriser-ou-freiner-votre-digestion-sport-problemes-digestifs). Cela nécessite donc un choix judicieux des aliments ingérés lors des repas ou collations tout en visant un timing approprié. On visera donc une fenêtre de 2 à 3 heures avant la séance pour un repas structuré, modérément glucidique, à index glycémique contrôlé, associé à des protéines digestes et peu de lipides. L’objectif étant donc d’éviter la charge glycémique brutale, l’excès de fibres ou de graisses qui prolongeraient la vidange gastrique, ou les protéines à digestion lentes (soja, bœuf, oeuf et caséine pour les principales).
Exemples :
repas 3 h avant : riz basmati + filet de poisson blanc vapeur + courgettes + filet d’huile de noix
repas 2 h avant : semoule complète + blanc de poulet grillé + carottes râpées + un peu de fromage frais
45 min avant (optionnel, si sensation de besoin, double entraînement,...) : tartine de pain au levain + purée d’amandes ou beurre de cachuètes
Pendant la séance :
Tout d’abord, l’apport pendant l’effort n’a de sens que s’il répond à un besoin : une durée suffisante (supérieure à 1 h 15), à une « intensité glycogénique significative ». Il ne s’agit pas de se goinfrer quelque soit le contexte de l’entraînement, mais bien d’accompagner un effort de haute intensité afin de soutenir la performance. C’est évidemment l’occasion d’entraîner son système digestif à assimiler des glucides pendant l’effort, le fameux glut trainig dont on parle beaucoup actuellement et qui conduit (ou « permet à », selon le point de vue) certains et certaines à absorber des quantités très importantes de glucides pendant les efforts de longues durées (jusqu’à 140 g par heure !, mais ce sera l’objet d’un prochain épisode)
Les filières énergétiques se mobilisent toujours dans le même ordre lors d’un effort à haute intensité : d’abord le glycogène musculaire « puis » le glucose plasmatique (issu du glycogène hépatique ou des apports externes) puis les lipides intramusculaires et circulants (plus l’intensité diminue plus les lipides seront utilisés comme carburant principal, d’où l’importance des entraînements allure modéré)* (voir ci dessous). Introduire une source glucidique simple (on visera minimum 30 g/h pour avoir un effet bénéfique) permet de préserver le glycogène musculaire et de stabiliser le glucose circulant, ce qui permet de limiter le pic de cortisol (voir focus). En outre, cela permet de retarder l’apparition de la fatigue neuromusculaire.
Exemples autres que le classique (et pratique) gel ou la barre énergétique :
Boisson maison : 600 ml eau + 30 g maltodextrine + 10 g fructose + 1 g sel + jus de citron
Compote de pomme sans sucre ajoutée
Demi-banane ou quelques dattes entre deux blocs de travail intensif
Attention ! aucun de ces apports ne remplace l’entraînement digestif. Le tube digestif est un organe d’entraînement. Sans adaptation progressive, même les meilleurs apports pendant l’effrot restent inopérants, voire parfois contre-productifs.
Focus : le cortisol
Pendant un effort intense et prolongé, le cortisol (hormone catabolique) augmente pour mobiliser les réserves énergétiques (en particulier en favorisant la néoglucogenèse et la lipolyse). Cette réponse est utile, mais un excès prolongé de cortisol favorise la dégradation musculaire et le stress métabolique.
Apporter des glucides pendant l’effort permet de stabiliser la glycémie et de fournir du glucose circulant. Cela réduit la stimulation excessive de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (axe HPA voir ici https://en.wikipedia.org/wiki/Hypothalamic%E2%80%93pituitary%E2%80%93adrenal_axis#:~:text=The%20HPA%20axis%20is%20a,and%20energy%20storage%20and%20expenditure.), donc la sécrétion de cortisol : quand le glucose sanguin est suffisant, le corps « perçoit » moins le stress énergétique et la réponse cortisolique est moindre.
Cela ne signifie pas que le sucre « inhibe » la fabrication du cortisol, mais plutôt que l’apport glucidique prévient une élévation trop importante et prolongée de cette hormone. Cette modulation limite donc le catabolisme et permet un meilleur maintien des muscles pendant l’effort.
L’apport de glucides pendant l’effort agit comme un signal d’énergie disponible : du glucose circule dans le ssang ce qui signale aux différents organes (cerveau, foie, muscles, surrénales) que de l’énergie est toujours disponible pour fonctionner normalement pendant l’effort. Ce glucose qui circule va donc limiter la synthèse de cortisol car le stress énergétique est moindre, limiter la néoglucogenèse (fabrication de glucose à partir de précurseurs non glucidiques tels que le pyruvate, le lactate, le glycérol et la plupart des acides aminés , essentiellement dans le foie), limiter le catabolisme musculaire (on garde ses fibres musculaires au lieu de les sacrifier pour faire du glucose), et va permettre une plus grande efficacité énergétique (les muscles peuvent se servir directement du glucose sanguin au lieu de vider totalement leurs réserves de glycogène).
Limiter l’explosion du cortisol (qui est en plus particulièrement sollicité par nos modes de vie moderne) permet donc de limiter les risques de surentrainement et de syndrome red-s.
Fun fact : sur des efforts très courts de type 5 km ou 10 km, si l’apport de glucide n’est pas indispensable, se rincer la bouche avec une solution sucrée (souvent glucose ou maltodextrine), puis la recracher, peut stimuler le cerveau et améliorer la performance, même sans ingestion (très utilisé dans le football actuellement). Cela active des zones spécifiques du cerveau liées à la motivation, au contrôle moteur et à la récompense, le corps perçoit une “promesse” d’énergie disponible, ce qui suffit à retarder la fatigue et à améliorer la puissance, sans changer la glycémie. Ce n’est pas une réponse métabolique, c’est une réponse neurocognitive. Au delà de 75 minutes l’apport de sucre devient par contre indispensable. Mais si vous débutez cela peut-être une bonne option pour limiter les apports caloriques superflus pendant les premiers footings...
Après la séance :
Il va être importer d’optimiser la régénération et la récupération et être attentif à ne pas compenser pour compenser dans la panique. La récupération n’est pas un permis à se baffrer : c’est une opportunité d’optimiser les adaptations visées par l’entraînement, qui exigent un apport cohérent à la fois en glucides et en protéines... qui cette fois pourront et devront même être plutôt à digestion lente (la caséine notamment, très présente dans le fromage blanc, est un excellent choix pour ces propriétés anti cataboliques plus qu’anaboliques, à cause de sa diffusion lente dans l’organisme et de la sensation de satiété qu’elle procure). On pensera également aux omega 3 pour les lipides de qualités qui permettraient (sujet encore ouvert à controverse) une régulation inflammatoire, mais toujours on essaye de viser une densité micro-nutritionnelle élevée. L’après effort intense n’est donc pas simplement un moment de recharge. C’est dans l’assiette que se poursuit l’entraînement et qu’une partie des bénéfices de la séance se joue.
Si l’insuline devient ici une hormone de choix (elle facilite la resynthèse du glycogène et la captation des acides aminés) son pic doit être contrôlé. Une élévation douce, via des glucides complexes ou des sucres plus rapides naturellement associés à des fibres (fruits entiers, tubercules, légumineuses), permet une réponse anabolique sans favoriser le stockage adipeux.
Exemples :
Immédiat (dans les 30 min) : smoothie maison (lait de vache, banane, cacao cru, flocons d’avoine, graines de chia)
Immédiat (dans les 30 min) : fromage blanc + flocon d’avoine + fruits secs (ou bananes ou fruits rouges) et quelques noix
Repas complet (1-2 h plus tard) : patate douce vapeur + tofu grillé ou œufs au plat + légumes croquants + huile de colza (+ curcuma) + fromage blanc
La réhydratation (et l’hydratation pendant l’effort) est également un point primordial à ne pas négliger : on favorisera une eau contenant des électrolytes (sodium, potassium, magnésium), une eau pétillante à défaut, et on évitera le piège des boissons trop sucrées.
Et si c’était le bon moment pour un “plaisir interdit” ? S’il existe bien une fenêtre dans la semaine où l’aliment interdit, celui dont on n’ose donner le nom de peur de voir la balance s’affoler rien qu’à son évocation, a le moins d’impact négatif, c’est probablement ici. Après une séance intense, plusieurs paramètres physiologiques convergent :
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Les transporteurs GLUT-4 sont mobilisés à la surface des cellules musculaires, indépendamment de l’insuline, facilitant l’entrée du glucose et son stockage en glycogène dans les cellules.
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Le glycogène musculaire est partiellement vidé, ce qui donne une destination prioritaire aux glucides ingérés.
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L’ensemble du système est en phase de reconstruction : la sensibilité à l’insuline est optimale, l’environnement hormonal propice à l’utilisation du glucose plutôt qu’à la fabrication de réserves.
Dans ce contexte, un aliment à éviter, comme par exemple, une pâte à tartiner industrielle dont le nom commencerait par nutell- et finirait par -a, peut être intégrée avec mesure sans dérégler détruire les efforts durement réalisés, à condition de l’associer intelligemment en modulant la charge glycémique.
Exemples de « collation cochonne » post-effort :
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Une banane encore un peu verte (plus de fibres, IG modéré) tartinée finement de pâte à tartiner noisette.
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Une demi-pomme croquante en tranches, à tremper dans une petite cuillère de Nutella.
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Une tartine de pain au levain intégral grillée, fine couche de pâte à tartiner + quelques fraises.
4 épisode de plusieurs pages pour arriver à la conclusion qu’on peut périodiser le grignotage de cochonneries quand on fait du sport. Je ne suis pas convaincu que c’était l’objectif premier quand je me suis attelé à la rédaction de cette série de billets
Conclusion :
La nutrition autour d’une journée intense ne transforme pas magiquement l’athlète ou la séance. Elle fournit un contexte métabolique dans lequel l’adaptation physiologique peut s’exprimer. Mal ajustée, elle peut annuler les bénéfices d’un bon entraînement. Bien maitrisée, elle devient une brique supplémentaire dans la construction lente mais durable d’un corps plus endurant.
En ce sens, les ajustements mis en place petit à petit les jours d’entraînements chargés (encore une fois il ne faut pas chercher à changer toute son alimentation d’un coup mais construire intelligemment brique après brique des habitudes alimentaires) deviennent autant de pierre de plus dans les fondations de la maison endurance. Et comme disait Gibran Khalil Gibran « La pierre la plus solide d'un édifice est la plus basse de la fondation. » (merci google parce que je commence à épuiser les métaphores en maçonnerie) Ce n’est pas spectaculaire. Mais c’est ce qui construit, lentement, un athlète durable et au-delà, c’est un levier important de vieillissement en bonne santé.
*le modèle de production d’énergie est ici très simplifié. Le glucose circulant soutien le glycogène musculaire et permet d’éviter son épuisement prématuré donc en réalité, les deux sont plutôt utilisés de concerts. Je n’aborde pas non plus l’utilisation des lactates comme substrat énergétique, le rôle des acides aminés, les nuances suivant les types de fibres musculaires ….
A suivre épisode 5 : quelques réflexions autour de l'index glycémique, les sucres "lents" et "rapides"
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